Accompagner les projets d’auto-construction

Je suis une « petite architecte » du quotidien, avec toute la fierté que je mets dans ce statut, travaillant principalement pour des maîtres d’ouvrage privés, pour la construction de leur lieu de vie.

J’ai, comme beaucoup, un idéal de développement durable que je tente de traduire par :
– réhabiliter / rénover en priorité
– concevoir avec le maître d’ouvrage pour créer des habitats divers, révélateurs de la pluralité et de la richesse de nos manières de vivre
– utiliser des matériaux à faible bilan carbone (matériaux locaux, naturels et de réemploi)
– valoriser le savoir-faire des artisans, ce qui passe par leur rémunération correcte
– travailler pour des gens « normaux », à revenus « moyens », voire très modérés

Mais je vois bien que :
– l’ambition des gens en matière de développement durable se heurte au surcoût des matériaux bio-sourcés ou au coût de la main-d’œuvre pour la mise en œuvre de matériaux locaux et naturels potentiellement gratuits
– le travail de conception est vu comme superficiel, la standardisation de la construction éliminant ce besoin. L’architecture est donc souvent abandonnée au profit de la construction, pour les petits budgets.

En réalité, les gens n’ont pas les moyens de construire « qualitatif » et pourtant l’envie est forte de se créer un chez-soi douillet.

Mais une bulle d’irréductibles est encore et toujours précurseur dans les domaines de l’écologie-économique : les auto-constructeurs. Ils prennent sur eux de construire différemment, expérimentent et réinventent l’utilisation de la paille, la terre, rénovent le bâti abandonné… au prix de mois de formation en glanant des informations bancales sur les forums internet. D’ailleurs certains professionnels de la construction transforment leur métier pour devenir accompagnateurs… Et les architectes alors ?

Notre assureur préféré ne veut pas entendre parler de l’auto-construction : « fuyez » qu’il nous dit (encore la semaine dernière). Et pourtant je pense que le renouveau est là, seule manière de réconcilier l’irrémédiable paradoxe entre développement durable et économie.

Alors je suis pour une adaptation du métier, pour une branche de volontaires :
– en recalibrant les responsabilités et l’assurance des architectes pour que nous puissions accompagner les projets d’auto-construction
– en étendant le droit à l’expérimentation maîtrisée pour le logement individuel écologique en ce qui concerne les procédés constructifs alternatifs, les matériaux naturels et de réemploi
– en réfléchissant à l’adaptation des missions de bases de la maîtrise d’œuvre aux besoins des auto-constructeurs

Pour que nous puissions réaliser des prestations pertinentes à prix attractifs sans avoir l’impression de nous suicider professionnellement et personnellement.

C’est, il me semble, une des meilleures manière de « reconquérir le marché de la maison individuelle », idée si souvent prônée par notre Ordre.

Nous ne sommes pas les premiers, d’ailleurs peut-être sommes-nous les derniers sur le sujet de la construction économique et durable. Le Brésil et l’Uruguay par exemple se sont saisis de la problématique à bras le corps : l’habitat groupé, l’auto-construction, le réemploi, l’habitat minimal évolutif, l’accompagnement professionnel technique, juridique et social, la mise à disposition de terrains … il y a de quoi progresser, et espérer.

K. Bioley

Laisser un commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s