Habiter est avant tout un verbe, et son destin est d’être conjugué. J’habite, nous habitons, ce mot perd son sens s’il sort de cet emploi, il n’y a que moi qui habite. L’emploi du terme habiter et du terme logement nie cette expérience d’abord solitaire puis éventuellement familiale. Ce lieu de l’intime est envisagé par un pouvoir extérieur, cela le rend standard et cela induit et la négation de mon individu, et de la primauté de ma conscience. L’Etat et tant d’organismes prononcent normes, règlements, dispositions et modalités de contrôle. L’habitat est pensé standardisé avant que je l’habite. Ma liberté individuelle est contrainte, mon expérience et mon caractère sont subordonnés à la forme mon espace intime, et donc à la décision de la chose publique. Je pense que c’est à contre temps. Pour illustrer, mon choix personnel se porte sur des bâtiments qui ont répondu à des obligations plus libérales. J’habite des ouvrages des années 60, les baies vitrées sont très grandes et les étages élevés dépassent le niveau ordinaire des toitures, j’ai vue sur l’horizon. Au travers de mes connaissances, de mes clients fortunés, le cadre légal standard empêche la construction d’une maison à leur image, à leur envergure. Ils choisissent tous la rénovation d’une demeure assez unique. C’est criant pour l’édification de belles demeures, de jolies folies, c’est réel pour l’appartement ordinaire. Il se vend au m², et il dispose même de toilettes immenses, totalement inadaptées, et à l’origine d’un surcoût colossal. Je propose que plutôt de précéder la liberté individuelle, la puissance publique devrait suivre ou accompagner la démarche quant à certains enjeux nationaux ou locaux. L’énergie, quelle énergie? Si elle est produite sur place, elle appartient au propriétaire, il serait logique qu’il en fasse l’emploi qu’il souhaite en faire, il peut ainsi ouvrir les fenêtres qu’il veut! C’est déclinable pour d’autres thèmes. Cette inversion de la présence des organes publics dans la création et la construction est une urgence. L’intérieur de l’habitat est défini, la forme de l’ouvrage est défini. Au travers du permis de construire, le maire statue sur le beau et le laid. La beauté est devenu un enjeu électoral. Ou plutôt le groupe de personnes qui font autorité lors des scrutins imposent la définition du beau et du laid. Ce jugement est ainsi vidé de son sens. Et cela précède la construction d’un standard, d’une forme qui précède le profil de l’électorat, et l’issue des prochaines échéances électorales. C’est une pratique ordinaire.
L’architecte est le personnage et l’acteur qui est en mesure d’exprimer le désir, le caractère du maître d’ouvrage, de le transcrire et d’affirmer dans la paysage sa force, son état, et sa supériorité éventuelle quant à la chose publique. J’existe et l’Etat n’est là que pour me servir, faute de quoi je disparaît, en devenant sa chose. L’Etat trouve alors son sens dans la régulation, ce n’est pas une idée révolutionnaire.
B. Finot