La profession n’est plus homogène, une et indivisible comme du temps du creuset unique de l’Ecole des Beaux Arts ou de l’Ecole Spéciale d’Architecture, mais devenue un congloméra hétérogène, de formations, de pratiques et modes d’exercice diversifiés.
Derrière la façade ordinale, qui s’évertue à nous faire croire le contraire, c’est le règne du tropisme, influences et coteries, du pouvoir des images, de la médiatisation, et de l’art savant du copié collé emprunté à la littérature et la musique. Ecran de fumée qui cache la paupérisation du plus grand nombre. Ethique exclue des contingences, désagrégation du lien confraternel, déclin de notre prérogative professionnelle, atrophiée, instrumentée, soumise aux diktats des PLU et la correction des subalternes de l’administration. Loin des turpitudes médiatiques, les microstructures, la grande masse de la profession, qui représentent l’image de la profession auprès du grand public, font preuve d’abnégation et d’exception culturelle. Elles méritent tout autant l’intérêt que le respect. Ce sont elles que le grand débat vise. A elles seules de porter le combat puisque les stars médiatiques de l’architecture n’ont cure de s’intéresser à la défense de la profession.
Le bilan est catastrophique. La faute à quoi, la faute à qui? Pas à Voltaire en tout cas. D’abord au passé et la complicité tacite de nos successives instances ministérielles, ordinales et syndicales, mais surtout à nous, architectes, d’avoir renoncé, par lâcheté, à défendre nos prérogatives d’exercice et sombré dans la docilité d’une soumission passive. Le réveil est brutal.
Quitte à participer au grand défouloir actuel, avec fol espoir d’une aumône dans la sibylle, faisons capacité d’oublier nos clivages, de présenter une vision exhaustive d’intérêt national, et pourquoi pas utopique d’un aggiornamento de la profession avec le panache et la conviction qui siéent. Je mets en exergue la procédure BIM, qui est du ressort interne, bien que la généralisation de celle-ci augure d’une toute autre problématique. Celle de l’avenir de la fonction même de l’architecte face à l’emprise exponentielle des logiciels algorithmiques qui va, sans coup férir, s’emparer de la conception architecturale. C’est le nouveau paradigme qui s’invite à la fête. Mais là Monsieur Macron, tout Président de la République soit-il, n’est d’aucun recours.
Briser l’omerta libère. Partager ses tourments professionnels créé lien. Savoir qu’ils sont communs à beaucoup fédère. Mais ce qui fait défaut dans ce foisonnement de témoignages c’est la prospective d’avenir.
Je vous invite à participer à la rédaction, à la modification et l’enrichissement de suggestions afin d’élaborer l’appel du printemps des architectes destiné, si d’aventure, à conscientiser les gouvernants sur nos besoins d’espace vital. Pas d’illusion à se faire, le grand débat national n’en étant pas un, mais l’exercice itinérant et gravitationnel, solitaire et virtuose d’une Master Class présidentielle, il n’en demeure pas moins que l’opportunité de faire connaître nos convictions ne se représentera pas de sitôt.
« Soyons réaliste, demandons l’impossible » slogan anonyme de mai 1968
Afin de marquer le coup et d’anticiper les attendus, j’ai utilisé l’anaphore présidentielle, mais je vous laisse soin d’en proposer une autre.
Art 1: Moi Président de la République, je m’intéresse à l’architecture (et aux architectes) et j’entends soutenir les réformes qui le prouvent.
Art 2: Moi Président de la République, j’instaure le droit à l’architecture pour tous. J’ordonne que la loi sur l’architecture n°77-2 du 3 janvier 1977 abroge le seuil de tolérance et instaure le recours obligatoire à l’architecte pour tout acte de conception qui préside à réalisation.
Art 4: Moi Président de la République, j’ordonne que les dispositions du code de l’urbanisme élaguent la réglementation liberticide des PLU, obsolète en termes de développement durable et transition énergétique, en référence à l’Art 2 qui prévaut aux architectes, en concertation du service instructeur et du maître d’ouvrage, le libre arbitre du choix conceptuel et bioclimatique de leurs projets au regard de l’environnement et du cadre bâti. (NB: pratique usitée dans la région du Voralberg en Autriche avec intelligence et grande qualité architecturale que l’on sait).
Art 5: Moi Président de la République, je conviens que les principes dérogatoires de la loi ELAN soient restitués à l’usage de la loi MOP du 12 juillet 1985 pour la qualité des équipements publics et des logements sociaux avec procédure des concours d’architecture inhérente.
Art 6: Moi Président de la République, je lance la réforme des études d’architecture avec cursus universel pour toutes les Ecoles afin de redonner cohérence et homogénéité à la formation des générations futures d’architectes.
Art 7: etc….
Daniel Denis DUBOURG