La mixité sociale et générationnelle ne consiste pas seulement en une répartition spatiale de typologies de logements destinés à des catégories sociales identifiées par le niveau de leurs revenus. La mixité fonctionnelle, quant à elle, ne se résume pas à la juxtaposition de fonctions urbaines et doit s’affranchir définitivement des logiques de zoning, pour intégrer dans chaque renouvellement de quartier une dimension plurifonctionnelle, stratégique et économique, capable de générer ou maintenir des emplois.
La mixité souhaitée dans un programme de réhabilitation ou de construction d’un quartier suppose la mise en perspective globale du projet par rapport à son territoire d’implantation et sa capacité à accueillir des populations nouvelles.
La mixité ne se décrète pas. Elle s’organise avant, pendant et longtemps après sa mise en œuvre.
SORTIR DES LOGIQUES SPATIALISTES DE LA PROGRAMMATION
Décrire la mixité avec des arguments uniquement spatialisés ne permet pas d’assurer la greffe nécessaire entre un quartier réhabilité ou créé et le territoire d’accueil au sens large, qu’il soit rural ou métropolitain. Spatialiser la mixité ne permet pas davantage d’appréhender la dimension humaine de l’aménagement. La proximité imposée à des groupes d’usagers ne peut pas garantir le lien social indispensable à leur cohabitation souhaitée. Elle entretient plutôt les préjugés, les inégalités et les conflits entre les personnes, et devient la source de discriminations et d’exclusion.
S’appuyer sur le maillage des équipements et des services présents sur le territoire, mais aussi et surtout sur son tissu économique pour espérer construire et tisser des liens entre les populations locales et les populations accueillies. « Faire de la mixité » nécessite une approche recentrée sur l’habitant, respectueuse de l’humain dans ses dimensions individuelle et collective. C’est dans ces conditions de reconnaissance et de prise en compte de la diversité sociale qu’un quartier d’habitat peut devenir un cadre de vie valorisant, capable de porter les valeurs du « vivre ensemble ».
METTRE EN APPLICATION DES POLITIQUES URBAINES RECENTREES SUR L’HUMAIN
Vivre bien, c’est aussi vivre vieux, si possible dans son logement, avec le niveau de confort qui correspond à ses besoins et permet de se maintenir dans son habitat, tout en restant connecté, que ce soit à ses voisins, à son quartier ou à sa famille éloignée, grâce aux moyens de déplacement et de communication disponibles aujourd’hui. Le vieillissement de la population française et l’attractivité de nos territoires conjugués nous font considérer la mixité intergénérationnelle comme une richesse et un atout certain pour faire vivre tous les quartiers, à l’échelle d’une commune rurale, d’une banlieue, d’un lotissement pavillonnaire ou d’un immeuble. Il s’avère primordial de prendre en charge, dans les propositions d’aménagement, l’isolement évoqué par une grande partie de la population et de trouver les moyens de reconstruire les valeurs de partage et de bon voisinage, facteurs de lien et de cohésion sociale.
Valoriser la pluralité des identités et les échanges positifs entre les habitants permet de créer les conditions de vie commune, de veiller à ce que la mixité sociale et intergénérationnelle soit préservée de la manière la plus simple qui soit : en proposant un parcours de vie adapté aux besoins de chacun, un parcours résidentiel envisageable sur un même territoire, un même lieu, sans ressenti d’assignation à résidence, afin de préserver les repères qu’ils soient affectifs ou matériels.
PROPOSER DES PROGRAMMES MIXTES
La présence d’activités compatibles avec l’habitat, la création de commerces et de services de proximité ou l’implantation d’équipements structurants favorisent considérablement l’insertion d’une opération dans son contexte et constitue un enjeu majeur pour l’accueil ou le maintien d’une population sur son territoire.
Un programme global met en perspective l’opération de logements à l’échelle de ce territoire et assure son intégration par l’établissement d’une ou plusieurs polarités urbaines. Mises en relation avec les autres secteurs urbains, celles-ci se caractérisent par une organisation capable d’accueillir des équipements structurants, des fonctions urbaines complémentaires à l’habitat, des bâtiments mixtes, une offre multiple de logements, des espaces publics de qualité et diversifiés, dans leur taille, mais également leur animation.
Mettre en œuvre une politique d’aménagement s’appuyant sur les temps de parcours dans le quartier, intégrée notamment dans les documents d’urbanisme, qui permettrait de structurer l’évolution des bourgs et des villes par rapport aux besoins d’autonomie des usagers, en termes de déplacements, pour accéder aux services, commerces et équipements de proximité.
ASSOCIER TOUS LES ACTEURS DES TERRITOIRES
La connaissance des aspirations des usagers a notablement progressé depuis quelques années et des études sociologiques viennent compléter favorablement les enquêtes menées par les bailleurs. Avec l’aide des collectivités et de l’Etat, une ingénierie s’est mise en œuvre, ainsi que de nouvelles pratiques de travail collégial. Cependant, la capitalisation des compétences n’est pas toujours mise au service d’une gestion plus fluide du logement social ou des politiques de peuplement et d’occupation sociale, trop centrées sur des critères socio-économiques produisant des référentiels de type statistique.
Associer les services sociaux des collectivités pour assurer l’animation des espaces créés avec et pour les habitants, s’appuyer sur la dynamique des associations locales, quel que soit leur travail de proximité sont les garanties d’une impulsion donnée à un quartier. Il s’agit de susciter la mobilité interne et externe, de créer les conditions de l’échange et du partage à l’échelle de l’immeuble ou du quartier, de veiller à la fonction de refuge que constitue l’habitat dans son acception la plus large, pour accompagner toutes les étapes de la vie.
Catherine Duret